Je ne parviendrais pas au sommet du pic des trois Seigneurs ce jour là… Le soleil était pourtant au rendez-vous, la journée promettait d’être magnifique. L’idéal pour une reprise de la marche en moyenne montagne après plusieurs mois d’inactivité intense, et un genou droit susceptible de se bloquer au moindre dérapage. Initialement, j’avais prévu de monter au pic par le versant sud (via l’étang d’Arbu) puis de rejoindre l’étang Bleu par la crête sud-ouest avant de rejoindre Gourbit après être passé par le cirque d’Embans et la cabane d’Embanels. Programme qui s’avérera trop ambitieux au vu de ma condition physique, comme va le montrer le récit suivant.

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En route pour le pic des trois Seigneurs

le départ : quelle est belle cette montagne !
le départ de la randonnée pour le pic des trois seigneurs

En effet, les choses ne se déroulèrent pas comme prévu. N’ayant pas pris le temps de me renseigner ou de trouver un mode de transport pour me rendre au départ, il me fut impossible d’être sur place à l’heure prévue, car mon chauffeur souhaitait dormir un minimum. Ça peut se comprendre lorsqu’on est en vacances, et je commençais la marche aux environs de 9h30, au lieu de 8h00 prévu (j’avais même envisagé un départ à 7h30). On me lâche à quelques centaines de mètres du point de départ : et oui, dans les Pyrénées, les routes montent en lacets et sont souvent étroites. De quoi impressionner un conducteur qui n’en a pas l’habitude.

Malgré l’heure un peu “tardive”, la lumière est assez jolie : une belle séance photo en perspective. Je trouve d’autres randonneurs au départ du parking, ce qui me rassure sur l’horaire : je me dis que l’heure n’est sans doute pas trop tardive. Première étape : le pont de Ganiouls, car j’ai choisi ce parcours en partie pour voir ce pont.

 

 

la crête sud-est menant au pic des trois Seigneurs

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Le pont de Ganiouls

de multiples ruisseaux s'écoulent dans tout le massifOn commence sur un petit sentier très agréable, qui démarre en sous-bois. La température n’est pas trop élevée. Jusqu’au pont de Ganiouls, le sentier est presque plat, c’est très agréable ! Je suis impatient de découvrir ce petit pont de pierre. Le sentier traverse un premier petit ruisseau, puis un deuxième, tous deux annonciateurs du fameux pont.

A l’est, on peut admirer une magnifique crête, presque menaçante sous cette lumière (photo ci-dessus).

Une fois arrivé au pont de Ganiouls, je passe de longues minutes à sortir mon objectif macro, car une toile d’araignée, avec son hôtesse à bord, était tirée en travers du ruisseau. Le temps de monter l’objectif et la tisseuse s’est éclipsée… Je remonte donc le grand angle et reprends ma route, non sans admirer calmement le paysage qui m’environne. Une grande jubilation m’envahit : tout est magnifique, on se sent tout petit au milieu de cette nature et je n’ai pourtant pas encore vraiment commencé l’ascension. Je viens de manger mon pain blanc : le plus difficile allait commencer, et j’allais mesurer dans quel état physique j’étais réellement…

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le pont de Ganiouls
le pont de Ganiouls permet de traverser à sec le rau d’Arbu lors de l’ascension du pic des trois Seigneurs par le versant sud

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L’étang d’Arbu

un pied de chardon attire insectes et papillons

Car les choses sérieuses commencent quelques centaines de mètres plus loin, pour parvenir à l’étang d’Arbu, que je tenais absolument à voir. Enfin, pour un randonneur un tant soit peu en forme, j’imagine que cela reste largement abordable : 300 m de dénivelé positif, sur une distance de 1,5 km environ, pour une pente de 23%. Il me faut une heure et demie pour arriver à ce fameux étang ! Je m’accorde une pause réconfort au milieu de cette première ascension, et déguste quelques petits gâteaux et fruits secs, pour me réconforter. J’admire le paysage face à moi et salue de nombreux randonneurs qui parcourent le même sentier. Avant de reprendre ma marche, je me jure d’arrêter de fumer (je précise que je n’avais pas de cigarettes sur moi pendant tout le temps de la randonnée : pas question au milieu de la montagne). Un peu plus loin encore, nouvelle pause, photographique cette fois-ci :  de nombreux insectes et papillons viennent déguster les fleurs d’un chardon. J’avais oublié à quel point il est compliqué de faire de la macro à main levée en pleine nature : le vent malicieux fait bouger votre sujet, et la photo est immanquablement floue. Me voilà parti malgré tout à la chasse au papillon avec mon Nikon en guise d’épuisette : je ne parviendrais pas à l’immortaliser, mais ramène une magnifique abeille dans ma besace. Il est alors temps de repartir car l’heure a tourné avec toutes ces pauses (il est près de 11h30), et mon itinéraire initialement prévu est ambitieux.

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le paysage à l'ouest, peu avant l'étang d'Arbu
le paysage à l’ouest, peu avant l’étang d’Arbu

découverte de l’étang d’Arbu

Essoufflé, un peu avant midi, j’arrive enfin à l’étang d’Arbu, au milieu de la “foule” : le lieu semble apprécié des vacanciers qui viennent y pique-niquer et se baigner. L’endroit est magnifique, l’étang est niché au fond d’une sorte de cirque, ou d’amphithéâtre de pierre. La roche semble alimenter l’étang en y tombant : elle se transforme en eau. L’étang fait le bonheur des enfants qui s’y baignent et s’y amusent, quelques pique-niqueurs se sont déjà installés, s’apprêtant sans doute à passer la journée sur le lieu avant de repartir.

L’éternel fatigué que je suis s’accorde une nouvelle pause gâteaux secs avant de me promener aux abords de l’étang, l’appareil photo en mains. Je fais encore quelques clichés avant de repartir. En regardant les parois abruptes, je commence à me demander si je vais pouvoir aller au bout…

vue sur l'étang d'Arbu
vue sur l’étang d’Arbu

la dernière montée vers le pic des trois seigneurs

Ce qui devait arriver arriva : ni la carte IGN, ni le GPS[foot]c’est ma première expérimentation d’un GPS de randonnée. Après y avoir installé la carte IGN de la zone, les choses sont très simples, sauf quand les données IGN ne sont pas à jour.[/foot] ne sont à jour et je perds du temps à contourner l’étang pour arriver devant un magnifique pierrier trop abrupte pour être gravi. Je fais demi-tour et aperçois un kern qui me permet de me remettre en chemin. Inexpérimenté que je suis, me voilà rapidement pris d’un début de sentiment de panique, la foule de tout à l’heure ayant disparu. Je contourne  d’abord un énorme rocher, et aperçois de temps à autres les repères du chemin et quelques kerns. Je suis donc sur la bonne route. Mais nouvelle interrogation lorsque je commence à gravir le flanc de la pente en m’agrippant aux plantes grasses, le cœur battant contre celui de la montagne, presque à plat-ventre. Je m’arrête régulièrement, prêt à rebrousser chemin ; mais lorsque je me retourne, pris de vertige, je décide à chaque fois de continuer. Cette partie d’escalade enfin terminée, je retrouve un sol à peu près plan, au milieu de rocs désarticulés. Un couple, accompagné de son chien, ne tarde pas à me rejoindre. Nous engageons la conversation naturellement. Le monsieur, assez âgé, m’assure que nous sommes sur la bonne piste : pour preuve les multiples repères colorés qu’il m’apprend à détecter ainsi que quelques kerns. Je suis enfin rassuré.

inquiétude sur la météo

Mais à l’est, le temps se fait menaçant. Depuis 11h environ, on aperçoit en effet à l’ouest une mer de nuage qui semble animée de la volonté de passer par dessus la crête. J’avais déjà noté ce détail, et le passage plutôt physique au milieu des plantes grasses et à flanc de montagne me rappelle à l’ordre : aurais-je la réserve physique nécessaire pour aller au bout ? Je suis en montagne, dans un milieu naturel que je ne connais pas, et j’ai réussi à m’égarer une première fois.

Surtout que je ne suis pas au bout de mes peines. En effet, à ce point du parcours, il faut cheminer sur des roches pointues et étroites. L’ascension est rapide, on a vite fait de s’élever de un ou deux mètres en quelques pas. Nouvelle partie d’escalade ! A maintes reprises, je ne peux m’empêcher de penser que si je tombe, c’est la mort assurée : il y a parfois une dizaine de mètre de roche à pic en dessous. Sache, cher lecteur, que je suis attiré par le vide, qui provoque en moi fascination et effroi !

un plateau propice au repos avant d'affronter le pic des trois Seigneurs
un plateau propice au repos avant d’affronter le pic des trois Seigneurs

le réconfort : saucisse de canard et gâteaux secs

Je finis néanmoins par arriver sur une sorte de plateau, ultime possibilité de repos avant d’affronter le pic des trois Seigneurs. Il est 14h passé, je décide de déjeuner et de déguster cette petit saucisse de canard achetée la veille à Foix, accompagnée d’un peu de pain et des sempiternels gâteaux et fruits sec. Le couple rencontré précédemment fit de même non loin de moi. Sur ma gauche, deux familles terminent leur déjeuner et commencent à ranger et nettoyer les lieux. Les enfants sont particulièrement sensibilisés à laisser l’endroit propre et vierge de tout détritus. Les voyant repartir par où je suis arrivé, je me dis que ce n’est sûrement pas le meilleur chemin de retour. Sans doute ont-ils choisi ce chemin car il est plus court, pensais-je alors…

A l’est, le pic des trois Seigneurs me nargue. Je vois des randonneurs redescendre : la progression semble difficile. Avec le recul, je me demande si ils empruntent le bon sentier. Je me dis que pour ma part, je ne suis sans doute pas prêt à une nouvelle partie d’escalade. Je suis fatigué, et me pose de multiples questions. Étant donnée l’heure déjà tardive, je me dis qu’il est insensé de tenter le sommet et de repartir par le versant nord. Cette pause méridienne me permet de réfléchir et d’échanger avec une jeune femme qui vient de redescendre, absolument fraîche. Elle m’indique que là-haut la vue est déjà brouillée par les nuages. Et à l’ouest, on voit très nettement les nuages passer à l’abordage de la crête.

Ma décision est prise : je redescends par la crête ouest. Pas trop déçu tout de même, car dans mes moments de panique, je m’étais fixé d’atteindre les deux milles mètres d’altitude. C’est à présent chose faite, et je me satisfais de cela. Cependant, il est prévu que l’on me récupère à Gourbit. Je décide de repousser la résolution de ce problème à plus tard, et ne dérange pas mon chauffeur qui profite des thermes d’Ax depuis le matin.

la descente par la crête ouest

la crête va disparaître dans la brume
la crête va disparaître dans la brume

Je me remets donc en route, l’appareil photo en bandoulière. Je ne tarde pas à le ranger lorsque la crête se dévoile devant moi, après avoir pris mon dernier cliché.

Au fil de la crête, encore deux pics à franchir, moi qui pensait en avoir fini avec les pentes interminables. Je chemine, solitaire. Au-dessus de moi, un corbeau coasse et me glace le sang (j’ai une imagination intarissable, alimentée par la fatigue phyique).

Inattentif et inexpérimenté, je m’égare encore et sort de la crête, lorsque deux cent mètres à ma droite j’aperçois d’autres randonneurs. Après lecture de la carte et du GPS, je constate qu’il me faut remonter si je ne veux pas me perdre encore plus. La descente est interminable, mes genoux sont mis à rude épreuve. Sur le chemin, je dépasse une dame d’un certain âge qui suit son mari, qui marche en avant. Ce monsieur voit-il dans la brume l’occasion de la perdre définitivement ? Je finis par le dépasser, mais quelques instants plus tard, j’entends sa femme discuter avec lui : il est tombé et s’est écorché. Ce monsieur, décidément acariâtre refuse ma trousse de premier secours. Il est temps de poursuivre.

Je croise un autre randonneur qui entreprend de gravir la crête, muni de simples baskets. Peut-être des envies de suicide de sa part mais je ne tente pas de l’en dissuader, préoccupé par ma fatigue et mes mollets en feu.

Je parviens au parking entre 16h et 16h30. J’ai encore une longue route devant moi, et ne perds pas de temps. Le temps se dégage un peu, et je commence à mettre le pouce à la vertical. Je serai pris en stop environ un kilomètre après mon point de départ du matin, par une des familles que j’avais aperçue lors de mon déjeuner. Ce n’était donc sans doute pas le chemin le plus court, mais l’étang d’Arbu se mérite…

Ils me déposent à Vicdessos, et j’appelle mon chauffeur. Énervée, car elle craint de devoir refaire la route étroite du matin, elle finit par entendre que je suis dans la vallée.

Je finis ma journée dans la piscine de nos hôtes, à Surba, chez M. et Mme Boniface dont on ne louera pas assez la gentillesse et l’hospitalité. L’apéritif est bien mérité, et j’entame la conversation avec un couple de grenoblois fraîchement arrivés en Ariège. La soirée s’écoule tranquillement avant un repos bien mérité. Le lendemain, direction Bergerac…

Mais je décide que je reviendrai affronter le pic des trois Seigneurs !

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télécharger la trace GPS

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Pour en savoir plus :